Des jours lointains, aux temps blessés vous m'aimiez madame. Notre coeur battait à rompre le silence et le temps. Nous donnions alors bel amour à voir à la cantonade. Pourquoi avez-vous dû nous trahir? Trahir pareille félicité. Pourquoi pareille félonie? Vous m'aviez donné la vie! En votre pouvoir, j'étais du goût de vos désirs. Je ne voyais plus que par votre regard. L'amour peut-il finir au coeur de l'un sans en avertir l'autre? Pourquoi détruire la vie à laquelle mon coeur était lié? Daignez madame me contraindre à la mort. Jamais espoir ne fut plus cruel et ma vie autrement ne se peut concevoir. Aussi je vous prie madame de recevoir ma mort courtoisement dans le silence qui convient à un coeur qui ne bat plus.
Âme pierreuse tissée d'argent en tombée incertaine chante vraie dimension. L'amour madame est autre regard et dire ne suffit pas à définir. Ma pauvrette embue réduite à la misère, pouvais-je vous oublier et oublier le regard de ce monde sans couleurs? Un monde décoloré aux ignorances acquises de ces prétendues connaissances. Oui madame, l'amour dans la vue précède le savoir. Joignons-nous aux humilités et aux inutilités avouées de l'âme. Fleurs sans reflets, je vous rends l'amour convenu. La mort est donc notre seule destinée possible et acceptable, pourtant jamais elle ne pourra détruire la vie. Car d'une mort absente, nous n'aurions plus rien à retenir.
LA STRICTE OBSERVANCE
Ma nuit écrase mon ciel et égare mon esprit. Mais gentille dame à la candeur rougissante reposez, partagez votre couche et affrontez de vos promesses le reflet. Pourrions-nous faire différemment de ce que nous sommes? Serions-nous plus qu'être et ferions-nous mieux qu'être? Autre nuit, autre vie! Des arcs brisés mon chant élevé, à la lumière diffuse par la rose éclairée, j'ai réservé mon amour à l'impossible. Aussi que restera-t-il de moi outre la fugacité d'une vie terminée et le reflet factice d'une action effacée. Je peux bien vous le dire à présent madame, j'ai franchi le pas qui mène de l'absurde à l'absolu et citant monsieur Buffon, je vous dirai qu'il "n'est pas du ressort de nos connaissances". Après vous, madame, il n'y a rien, si ce n'est ce rien si important.
Je ne puis sans raison madame, vous mettre en question, sachant que vous êtes sans réponses. Aurais-je l'ingratitude de vous faire partager mes infirmités, de vous éclabousser de ma grisaille? Mon âme à mes pas est attachée, mon chemin est mesuré et non abouti. Cette faute n'est pas la mort, ma mort mais bien la vie, ma vie. Pourrais-je vraiment vous offrir la mort de Dieu, la mort de ma foi? Je ne suis rien madame. Je ne possède ni biens, ni valeurs. Mon présent serait de vous offrir plus que moi-même! Aussi, vous donnant tout, vous prendriez du miséreux que je suis, seulement l'âme nue. Mais vous conviendra-t-elle?
Nos larmes désorientées au paupières ventées, sèchent entre sang et sueur composés. Aux ors comparées, de velours parées, elles laissent vacance, apparence et convenance. Nous cherchons dans notre passé ce qu'aucun avenir jamais, nous apportera. Nous sommes les enfants de l'illusion et nos attirances sont l'inconscience et l'inconstance. Aveugles des temps aux amours dénaturés, nous aimons dans la vacuité et l'irrésolu. Aux dames posées, profondes et fallacieuses nous offrons nos amours pompeux et nos émotions délabrées. Y aurait-il d'autres certitudes que l'incertain de la mort et d'un possible sans aucune possibilités? Vacance d'un Dieu composé, qui suivra l'indifférence et la chute de l'agitation humaine.
Vous êtes jeune, sans âge, je suis vieux, âgé. Laissez moi à vos côtés m'allonger. Vous êtes sage, et vous le savez bien, nous vieillissons ensemble. Vous souvenez vous de notre affable jeunesse, elle nous mentait si bien. Mais si, cette invincible jeunesse, l'affabulatrice qui accompagnait si agréablement les battements de nos coeurs! Crânerie d'une éphémère jeunesse, qui portait notre amour en bandoulière. Laissez moi à vos côtés dormir, dormir après avoir tant rêvé, dormir sans fin. Vous souvenez vous de nos étreintes passionnées, entre vigueur et douceur. Quand d'un baiser amoureux votre coeur a saigné, perlant de rouge la neige étonnée. C'est un vieil amoureux qui vous parle, un vieil amoureux dont les yeux humides larmoie le long de ses rides. Laissez moi à vos côtés m'allonger et sur votre tombe graver mon nom...
Mon frère, j'ai perdu Dieu pour me retrouver car j'avais oublié ma condition. Je voulais ce que l'on ne peut savoir, sans savoir réellement ce que je voulais. Âmes vendues, âmes trouvées, je vous connaissais toutes et pourtant je ne reconnus personne parmi vous. Rien ne peut être suffisant pour combler la distance qui nous sépare de Dieu. Dieu s'exprime dans la plus pure simplicité et dans l'inaccessible et se complaire dans la réalité n'est aucunement une vérité. J'affirme que si nous parlons si bien de lui c'est justement du fait que nous le connaissons si mal. Dieu n'est pas une saveur ou un compromis, il est ce que l'homme n'est pas, différent de lui-même.