Plis et replis frondeurs et ondoyants couvrent les rêves d'une vie oubliée, couvrent un temps passé aux couleurs adoucies, fanées et jaunies. Enrobés, ils sont d'une tendre lumière surannée, suave et discrète. Ils sont l'érudition d'une réalité rêvée. Je n'ai vécu que pour elle mais j'ai vécu inassouvi et insoumis, fragrance éthérée, évaporée de l'absolu. Elle était l'épanouissement, j'étais l'amour immodéré. Elle était le désir estompé d'un troublant silence qui m'affectait tant. Depuis j'ai préféré le silence des colonnes effilées, le silence des moines. Aujourd'hui mes pensées vagabondes d'antan sont asservies ou libérées, je ne sais plus. Le cloître a eu raison de mes tourments pourtant elle est toujours là, encapée dans un linceul bleu étoilé et je prie.
-Je vous aime à déraison madame, mais si mon esprit est confus mon coeur ne l'est point. J'implore votre amour madame dusse-je me soumettre à vos désirs les plus spécieux, les plus insolites.
-Voilà bien un discours que je goûte guère monsieur! Pensez-vous m'aimer mieux en ne vous aimant point ? Vous me la baillez bonne avec votre... amour. En sachant conserver votre dignité vous préserveriez la mienne! Ces faux-fuyants de la dignité sont indignes et insupportables. Aimez monsieur avec sincérité et droiture, la servitude ne s'accommode que de bassesses et ne me convient guère. Sachez enfin qu'une femme ne se soumet pas même si il peut sembler pourtant pour l'amour elle sait se sacrifier ce qui n'est pas mon cas vous concernant.
-Vous combleriez plus que mes espérances madame. Malheureusement je ne puis accéder à votre charmante invitation car il n'est point en mon pouvoir de vous satisfaire.
-Qu'en est il ? M'aimer ne vous conviendrait ? Ne serais-je suffisamment désirable? Vous me faites injure monsieur et vous empourprez mes sentiments de honte.
-Hélas madame je ne puis décider pour mon coeur. Et, malgré l'attirance que j'éprouve à votre encontre, je me vois contraint de décliner cette offre. Celle que j'aime n'a guère votre beauté pourtant...
-Mais alors monsieur ?
-Mais alors madame je l'aime, simplement je l'aime.
Bel oysel vous envoie madame, embecqué de mots tendres à convenir. Aveux semblables en amours inavouables que je loue à l'irraisonné. Je vous aime à foison madame, je vous aime à passion. Votre inexistence m'inciterait à la non-foi et signifierait mon insignifiance et mon inconséquence. Je vous loue dans l'attente d'une mort assurée, dans la foi perdue. Je veux rendre au jour ses couleurs ternies par la nuit. J'ai peur de l'attente madame, de l'inéluctable attente et non d'une confrontation brutale, définitive. L'amour est soi, l'amour est vous, l'amour est nous. Des années délirantes aux années déclinantes sachez m'offrir madame, le long baiser d'un sommeil forcé.
De vous aimer si fort je suis marri madame car vous voyez les soubresauts d'un coeur qui a épuisé sa vie. Pourtant l'amour et le désir vous définissent si bien qu'il serait malséant de ne point vous aimer. Je voulais m'en aller haut mais puis-je seulement vivre sans vous aimer ? Vous aimer... aimer jusqu'au chemin qui nous sépare et nous rapproche à la fois. Vous aimer et d'un sursaut ultime griffer la nuit pour y laisser poindre des gouttes de jour. Vous aimer madame dans l'incohérence et le désordre de mon coeur, vous aimer encore et finir. Oui je suis marri madame, marri mais contraint. Devrais-je rudoyer mon âme, montrer semblant? Non je ne puis. Destin bien hasardeux que celui d'un homme fatigué et innocent soumis pourtant aux caprices d'un coeur toujours amoureux.
Je vous veux supposer madame, je veux nos empreintes à jamais laissées, je veux nos étreintes insolites et insolentes à la fois, je veux, je vous veux madame. Que l'amour finisse et la mort naîtra. Pour vous madame j'avancerai la nuit aux heures inquiètes des jours finissants et couvert de nuit j'exprimerai mes candeurs aux frémissements de vos bontés à venir. Pour vous madame la nuit appelée, mon coeur défaillira de douleur et de passion. Me voudriez-vous éconduit et ainsi préserver votre honnêteté d'une virginité indécente et enfantine? Peut-on refuser l'amour madame alors même que la nature l'a conçu et nous en a pourvu? Je vous veux et vous me voulez-vous ?
Au soir restant, ma vie vacillante aux lueurs de mon passé, encore désire l'aube incertaine. L'intolérable, l'inavouable peur que la mort inspire. Aube espérée..., dois-je oublier celle qui m'a déjà oubliée ? Fleur fanée si belle, hâte mes pleurs et rejoins l'éternité.
De mots à peine touchés, manches et anneaux vers vous déposés, seul pour mon amour j'ai oeuvré. Et j'use mes pensées aux vaines espérances de ce coeur rogue. Ai-je seulement vécu ? Bien sûr je suis las, je suis effrayé. Mais sans devenir que deviendrais-je ? Ma vie s'amenuise lentement mais est-il possible que ce soit sans retour? Pourtant l'horreur me reste à vivre, la minute où l'on se sent, où l'on se voit mourir
Madame vous êtes l'impossible et de grâce faites que la mort n'amoindrisse point ce désir, qu'elle ne l'affadisse pas, qu'elle ne le tiédisse pas. Je le veux violent, absolu dans un amour désoeuvré. Je le veux brasier ou baiser au feu laissé. Vous êtes l'impossible et je suis l'improbable, l'insoumis, celui-là même promis. Vous êtes l'impossible de Dieu donné madame. je vous aime désirable et brûlante mais aussi destructrice. Je vais à vau-l'eau madame, je vais vers mon destin assigné. Je vais à la mort madame, une mort ébranlée mais pétillante d'éternité. Vous hâble madame par provocation d'un baiser, d'un baiser qui ne s'éteint pas.
De propos courtois en propos galants c'était une belle rencontre que celle de cet homme à l'allure si fier et de cette dame, belle encore et que les années hésitaient à corrompre . Il s'inclina et avec aisance lui tint hardiment quelques politesses de bon aloi. Pourtant un silence malencontreux s'établit entre eux. La dame alors ne put contenir, à son grand désarroi quelque flatuosité qu'elle dû expulser bruyamment, sans concession. Surpris l'homme goguenard lui dit : "Je le sens bien madame. Un vent peut combler un vide!" Mais contre toute attente, l'homme mortifié produisit un vent d'aussi belle résonance. C'est alors que la femme lui dit : "J'entends bien monsieur. Vous avez du répondant et pour tout dire le sens de la répartie"
-Quelle élégance madame, si bel habillage mérite pareil effeuillage
-Votre imagination monsieur ne sait se contenir et de plus, vous voilà brodeur à présent !
-Pas plus que le trouble qui m'assiège madame !
-Je vous trouve bien culotté monsieur !
-Mais il ne tient qu'à vous madame que je ne l'enlève !
-Monsieur... votre insistance n'a d'égal que votre impertinence et votre suffisance.
-Non madame, seulement mon impuissance. Mon regard vous pourrait-il mentir?
-De fait j'y vois surtout l'éperon trublion du trouble qui vous assiègeait. Mais vous voir ainsi congestionné... Par charité chrétienne je vous dois remède monsieur. Un remède qui vous puisse soulager. Sans doute un remède de ... bonne femme.
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